L’eau des sept mers : Une tradition tunisienne entre superstition et poésie

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Flacon d'eau des sept mers
Flacon d'eau des sept mers

Au cœur de la culture tunisienne, se cache un trésor méconnu : le flacon d’eau des sept mers. Cette coutume fascinante, mêlant croyances ancestrales et rituel poétique, illustre parfaitement la richesse du patrimoine immatériel de ce pays méditerranéen.

Imaginez un instant : vous êtes un voyageur tunisien, parcourant le monde avec, dans vos bagages, un petit flacon vide. Votre mission ? Le remplir d’eau prélevée dans sept mers différentes. Ce n’est pas une quête ordinaire, mais une aventure chargée de symbolisme et d’espoir.

Une fois de retour au pays, ce précieux élixir n’est pas destiné à être bu ou exposé fièrement. Au contraire, il sera soigneusement caché au fond d’un placard, comme un talisman secret veillant sur le foyer. Cette eau, récoltée aux quatre coins du monde, est censée protéger la maison et ses habitants contre toutes sortes de maux, même les plus improbables.

Poisson sous un porche en Tunisie
Poisson sous un porche en Tunisie

Mais l’eau des sept mers n’est qu’un élément parmi tant d’autres dans le riche tableau des croyances liées à la maison en Tunisie. Avant même de franchir le seuil, les superstitions commencent. Pour s’assurer que la demeure soit propice au bonheur, il faut d’abord enterrer un poisson sous le porche. Ce geste, partagé par les communautés musulmanes, juives et chrétiennes du pourtour méditerranéen, témoigne d’une culture commune transcendant les frontières religieuses.

Le jour de l’emménagement est ponctué de rituels tout aussi intrigants. On verse de l’huile d’olive sur le seuil, symbole d’abondance et de prospérité. Puis vient le moment d’encenser la maison, non pas avec de l’encens ordinaire, mais avec un mélange spécial d’herbes et de gros sel. Ce dernier doit éclater bruyamment dans le brasero, que l’on fait tourner sept fois au-dessus de la tête des propriétaires. Ceux-ci doivent ensuite enjamber sept fois ce même brasero, dans une chorégraphie qui pourrait sembler comique à un observateur extérieur, mais qui revêt une importance capitale pour les participants.

Le chiffre sept, vous l’aurez remarqué, revient comme un leitmotiv dans ces rituels. Il se retrouve jusque dans les épices utilisées pour protéger la maison : sept grains de sinouj, une épice aux vertus prétendument prophylactiques, sont cachés dans le fond des vases.

Ces traditions, aussi pittoresques soient-elles, ne sont pas de simples superstitions sans fondement. Elles puisent leurs racines dans une histoire riche et complexe, mêlant influences berbères, arabes, méditerranéennes et même des échos lointains des traditions du Prophète Mohammed.

L’eau des sept mers et les rituels qui l’accompagnent nous rappellent que la maison, en Tunisie comme ailleurs, est bien plus qu’un simple abri. C’est un sanctuaire, un microcosme reflétant la vision du monde de ses habitants. Chaque geste, chaque objet caché, chaque rituel effectué lors de l’emménagement participe à la création d’un espace sacré, protégé des influences néfastes du monde extérieur.

Ces croyances, loin d’être figées dans le passé, continuent d’évoluer et de s’adapter au monde moderne. Elles témoignent de la capacité de la culture tunisienne à préserver son identité tout en s’ouvrant sur le monde. Après tout, que sont ces voyageurs collectant l’eau des sept mers, sinon des explorateurs modernes, tissant des liens invisibles entre leur foyer et les océans du globe ?

En fin de compte, qu’on y croie ou non, ces traditions nous invitent à porter un regard neuf sur notre environnement quotidien. Elles nous rappellent que chaque coin de notre maison peut être porteur de sens et de magie, pour peu qu’on sache y prêter attention. Et qui sait ? Peut-être qu’au fond de nos placards se cache aussi un peu de cette eau miraculeuse, attendant patiemment de déployer ses pouvoirs protecteurs.

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