Le Cycle de Fondation, tome 1 : Fondation, écrit par Isaac Asimov, est une œuvre monumentale de la science-fiction publiée en 1951, qui a profondément influencé le genre et remporté le prix Hugo de la “Meilleure série de tous les temps” en 1966. Ce premier tome, initialement publié sous forme de nouvelles dans Astounding Science Fiction entre 1942 et 1944, pose les fondements d’une saga qui s’étendra sur plusieurs millénaires.
L’histoire se déroule dans un futur lointain où l’humanité, dispersée sur des millions de mondes, forme un Empire Galactique vieux de 12 000 ans. Le protagoniste, Hari Seldon, mathématicien visionnaire, développe la psychohistoire – une science révolutionnaire combinant histoire, sociologie et mathématiques statistiques. Cette discipline lui permet de prédire mathématiquement le comportement des masses humaines et ainsi d’anticiper la chute imminente de l’Empire, suivie de 30 000 ans de chaos. Pour réduire cette période à seulement un millénaire, il met en place le “Plan Seldon” à travers la création de deux Fondations aux extrémités opposées de la galaxie.
La force du roman réside dans sa construction narrative unique. Asimov utilise une structure épisodique, présentant des “crises Seldon” successives – des moments cruciaux où le Plan est menacé et doit être préservé par les générations suivantes. Cette approche permet d’explorer comment différentes sociétés et individus réagissent face aux prédictions de Seldon, créant un fascinant jeu entre déterminisme et libre arbitre.
L’auteur excelle particulièrement dans sa capacité à mêler politique, économie et technologie. Les conflits ne se résolvent pas par la force brute mais par des manœuvres diplomatiques, commerciales et psychologiques subtiles. Cette approche était révolutionnaire pour l’époque, s’éloignant des space-operas traditionnels centrés sur l’action pure.
L’influence de l’Histoire sur l’œuvre d’Asimov est palpable. Le déclin de l’Empire Galactique s’inspire clairement de la chute de l’Empire romain, tandis que la Fondation elle-même évoque le rôle des monastères médiévaux dans la préservation du savoir. Cette dimension historique ajoute une profondeur supplémentaire à la réflexion sur les cycles de civilisation.
Un aspect moins souvent commenté est la vision qu’Asimov propose de la science. La psychohistoire représente l’apothéose d’une approche scientifique de la société, suggérant que même les comportements humains peuvent être prédits avec suffisamment de données et de puissance de calcul – une idée étonnamment moderne à l’ère du big data et de l’intelligence artificielle.
Les critiques concernant le rythme lent et le manque d’action sont valides mais doivent être contextualisées. Asimov privilégie délibérément les joutes verbales et les résolutions intellectuelles aux conflits physiques, créant une tension plus subtile mais non moins prenante pour les lecteurs patients.
Pour situer l’œuvre dans son contexte, il est important de noter que Fondation a été écrit dans les années 1940, pendant la Seconde Guerre mondiale et au début de la Guerre froide. Cette période d’incertitude mondiale a certainement influencé la réflexion d’Asimov sur la possibilité de prévoir et d’influencer le cours de l’Histoire.
Un dernier mot pour les nouveaux lecteurs : bien que le style puisse paraître daté et que certains aspects technologiques semblent anachroniques (comme l’utilisation d’ordinateurs atomiques mais l’absence d’intelligence artificielle), la profondeur des thèmes abordés et la maestria avec laquelle Asimov tisse son récit rendent Fondation toujours aussi pertinent aujourd’hui. C’est une œuvre qui mérite d’être lue non seulement pour son importance historique dans le genre, mais aussi pour les questions éternelles qu’elle soulève sur le destin de l’humanité et notre capacité à le façonner.