Les royaumes africains médiévaux : grandeur et prospérité au cœur du continent

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Illustration des royaumes africains
Illustration des royaumes africains

Lorsque l’on évoque le Moyen Âge, on pense souvent à l’Europe des chevaliers et des cathédrales. Pourtant, à la même époque, l’Afrique abritait des royaumes prospères et influents, dont l’histoire reste méconnue du grand public. Du Mali à l’ouest au Grand Zimbabwe au sud-est en passant par le Songhay au centre, ces États ont développé des systèmes politiques, économiques et culturels sophistiqués qui ont profondément marqué le continent. Leur richesse, tirée du commerce transsaharien et de l’exploitation des ressources naturelles, a suscité l’admiration des voyageurs arabes et européens. Leurs souverains, comme Mansa Moussa du Mali ou Sonni Ali Ber du Songhay, ont laissé leur empreinte dans l’histoire. Ce voyage au cœur des royaumes africains médiévaux révèle une facette fascinante et souvent négligée de l’histoire du continent.

1. L’empire du Mali, une puissance économique et culturelle

Fondé au 13ème siècle par Soundiata Keita, l’empire du Mali a dominé l’Afrique de l’Ouest pendant près de trois siècles. À son apogée au 14ème siècle, il s’étendait de l’Atlantique au Niger, englobant les régions aurifères du Bambouk et du Bouré. Le Mali tirait sa prospérité du commerce transsaharien, exportant or, ivoire et esclaves vers l’Afrique du Nord et important sel, tissus et chevaux. La ville de Tombouctou, avec son université de Sankoré et ses bibliothèques, était un centre intellectuel renommé, attirant savants et étudiants de tout le monde musulman. L’empereur le plus célèbre du Mali, Mansa Moussa, a marqué les esprits lors de son pèlerinage à La Mecque en 1324. Accompagné d’une suite fastueuse, il a distribué tant d’or sur son passage qu’il a provoqué une inflation durable. Sous son règne, l’empire a atteint son extension maximale et Tombouctou est devenue un joyau architectural avec la construction de la mosquée Djingareyber. L’influence culturelle du Mali s’est étendue bien au-delà de ses frontières, comme en témoigne la diffusion de l’épopée de Soundiata par les griots.

2. L’empire Songhaï, successeur et rival du Mali

Alors que le Mali décline à partir du 15ème siècle, un nouveau pouvoir émerge dans la boucle du Niger : l’empire Songhaï. Originaire de la région de Gao, ce royaume a d’abord été un vassal du Mali avant de s’en affranchir sous le règne de Sonni Ali Ber (1464-1492). Ce souverain charismatique et guerrier a étendu le territoire Songhaï du Sahel à la forêt tropicale, prenant le contrôle des routes commerciales et des villes stratégiques comme Tombouctou et Djenné. Son successeur Askia Mohammed I (1493-1528) a poursuivi cette expansion tout en islamisant et en centralisant l’empire. Sous son règne, Tombouctou et Gao sont devenus des centres intellectuels et religieux majeurs. L’université de Sankoré attirait des étudiants de tout le monde musulman et abritait l’une des plus grandes collections de manuscrits d’Afrique. L’empire Songhaï a également développé une administration efficace, avec un système fiscal et judiciaire centralisé. Son armée, composée d’infanterie, de cavalerie et de bateaux de guerre, était l’une des plus puissantes de la région. Cependant, des querelles de succession et l’invasion marocaine en 1591 ont précipité le déclin de l’empire.

3. Le Grand Zimbabwe, une énigme archéologique

Situé dans l’actuel Zimbabwe, le Grand Zimbabwe est un site archéologique fascinant qui témoigne de l’existence d’un royaume prospère et énigmatique. Construit entre le 11ème et le 15ème siècle, ce vaste complexe de pierre comprend un grand enclos elliptique (le Grand Enclos) et une acropole sur la colline adjacente. Les murs de granite, pouvant atteindre 11 mètres de haut et 5 mètres d’épaisseur, ont été assemblés sans mortier, témoignant du savoir-faire des bâtisseurs. On estime qu’au sommet de sa puissance au 14ème siècle, le Grand Zimbabwe abritait jusqu’à 18 000 habitants. Ses souverains, dont on ignore les noms, tiraient leur richesse du commerce de l’or et de l’ivoire avec la côte swahilie. Des objets en porcelaine de Chine et en verre du Moyen-Orient retrouvés sur le site attestent de ces échanges au long cours. Le déclin du Grand Zimbabwe au 15ème siècle reste mystérieux, certains l’attribuant à la surexploitation des ressources, d’autres aux changements climatiques ou aux invasions. Les ruines, redécouvertes par les colonisateurs au 19ème siècle, ont nourri l’imaginaire, certains les attribuant à des civilisations extérieures à l’Afrique. Aujourd’hui, le Grand Zimbabwe est reconnu comme un témoignage majeur de la créativité et de l’ingéniosité des civilisations africaines médiévales.

Site du Grand Zimbabwe

4. Le royaume du Bénin, entre art et pouvoir

Sur la côte atlantique de l’actuel Nigeria, le royaume du Bénin a développé entre le 13ème et le 19ème siècle une culture artistique et politique originale. Fondé selon la tradition par le prince Oranmiyan, le Bénin a connu son apogée aux 16ème et 17ème siècles sous le règne des Oba (rois) Esigie et Ewuare le Grand. Ces souverains ont renforcé le pouvoir central, développé une administration complexe et étendu le territoire du royaume. Ils ont également patronné un art de cour raffiné, en particulier les célèbres plaques et têtes en bronze du Bénin. Ces sculptures, réalisées à la cire perdue, représentent les Oba et leur entourage dans un style à la fois réaliste et symbolique. Elles ornaient les palais royaux et servaient dans les cérémonies religieuses et politiques. L’art du Bénin a fasciné les Européens dès les premiers contacts au 15ème siècle, au point qu’un grand nombre d’œuvres ont été pillées lors de la conquête britannique en 1897. Aujourd’hui dispersées dans les musées du monde entier, elles témoignent de la grandeur et du raffinement de cette civilisation.

5. L’influence de l’islam et du christianisme

Les royaumes africains médiévaux n’ont pas évolué en vase clos mais ont été en contact avec les grandes religions monothéistes. L’islam, diffusé par les commerçants et les lettrés, s’est implanté dès le 8ème siècle en Afrique de l’Est et du Nord. Il a gagné l’Afrique de l’Ouest au Moyen Âge, convertissant les élites dirigeantes du Ghana, du Mali et du Songhay. Les souverains musulmans comme Mansa Moussa et Askia Mohammed ont favorisé l’enseignement islamique, la construction de mosquées et l’application de la charia. Pour autant, l’islam n’a pas supplanté les religions traditionnelles et s’est souvent mêlé à elles, donnant naissance à des formes syncrétiques. Le christianisme s’est implanté plus tardivement et plus marginalement, principalement en Éthiopie et en Nubie. Le royaume chrétien d’Aksoum en Éthiopie, fondé au 1er siècle, a développé une Église et une culture originales, mêlant influences byzantines et traditions locales. Il a résisté à l’expansion musulmane, préservant son identité chrétienne jusqu’à aujourd’hui.

De l’empire du Mali au royaume du Bénin en passant par le Grand Zimbabwe, les royaumes africains médiévaux offrent un panorama fascinant et diversifié. Loin des stéréotypes misérabilistes, ils révèlent des sociétés dynamiques, prospères et créatives, qui ont développé des systèmes politiques, économiques et culturels sophistiqués. Leur richesse, tirée du commerce au long cours et des ressources naturelles, a suscité l’admiration et la convoitise des puissances extérieures. Leurs souverains, comme Mansa Moussa et Askia Mohammed, ont marqué l’histoire par leur charisme et leur sens politique. Leur héritage, des manuscrits de Tombouctou aux bronzes du Bénin, témoigne de la vitalité intellectuelle et artistique du continent. Si ces royaumes ont fini par décliner, sous l’effet de facteurs internes et externes, ils n’en ont pas moins laissé une empreinte durable dans la mémoire et l’identité africaines. Redécouvrir leur histoire, c’est rendre justice à la complexité et à la grandeur du passé africain, trop souvent réduit à une note de bas de page de l’histoire mondiale. C’est aussi se donner les moyens de mieux comprendre les défis et les potentialités de l’Afrique contemporaine, en replaçant son présent dans la profondeur de son passé.

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