La première partie de l’adaptation cinématographique de “Wicked”, signée Jon M. Chu, arrive sur les écrans comme un tourbillon d’émotions et de spectacle, portée par le duo magnétique formé par Cynthia Erivo et Ariana Grande. Cette relecture du mythe du Magicien d’Oz prouve que la magie peut encore opérer, même si le sortilège n’est pas toujours parfaitement maîtrisé.
L’histoire nous plonge dans les origines de l’inimitié légendaire entre Elphaba, future Méchante Sorcière de l’Ouest (Cynthia Erivo), et Glinda la Bonne (Ariana Grande). Tout commence à l’université de Shiz, où ces deux personnalités que tout oppose sont contraintes de partager une chambre. D’un côté, Elphaba, brillante étudiante à la peau verte, marginalisée et incomprise. De l’autre, Glinda, popularité incarnée, superficielle mais pas dénuée de profondeur.
La performance de Cynthia Erivo constitue indéniablement le cœur battant du film. Son Elphaba transcende le simple archétype de la paria pour devenir une héroïne complexe et profondément humaine. Sa voix, d’une puissance remarquable, porte toute la mélancolie et la détermination du personnage. Face à elle, Ariana Grande s’approprie le rôle de Glinda avec un mélange de frivolité assumée et de sensibilité croissante, même si son interprétation peine parfois à se détacher des stéréotypes de la “blonde écervelée”.
La mise en scène de Jon M. Chu fait preuve d’une ambition démesurée, parfois à double tranchant. Les décors somptueux, les costumes élaborés et les effets visuels spectaculaires créent un univers visuel enchanteur. Cependant, cette surenchère permanente peut par moments étouffer l’émotion des scènes plus intimes. Le réalisateur excelle néanmoins dans les numéros musicaux, insufflant une énergie cinématographique aux compositions de Stephen Schwartz.
Le film brille particulièrement dans sa façon d’aborder les thèmes de l’acceptation de soi et de l’amitié féminine. La transformation de l’antagonisme initial entre Elphaba et Glinda en une relation complexe et nuancée constitue l’arc narratif le plus convaincant. Cette évolution s’inscrit dans une réflexion plus large sur le pouvoir, les préjugés et la nature même du bien et du mal.
Points essentiels de cette adaptation :
- Une direction artistique ambitieuse qui crée un monde visuel époustouflant
- Des performances vocales remarquables, particulièrement celle de Cynthia Erivo
- Un message universel sur l’acceptation de la différence
- Une relecture intelligente d’un classique qui parvient à se réinventer
Le film souffre toutefois de quelques faiblesses notables. Sa longueur excessive – et le fait qu’il ne s’agisse que de la première partie – peut tester la patience des spectateurs. Certains personnages secondaires, notamment le prince Fiyero (Jonathan Bailey), manquent de relief malgré le talent des interprètes. Le traitement de certaines sous-intrigues, comme celle concernant les animaux parlants du pays d’Oz, reste en suspens, créant une frustration compréhensible.
La force de cette adaptation réside dans sa capacité à honorer l’esprit de la comédie musicale originale tout en proposant sa propre vision. Le film parvient à créer un équilibre délicat entre spectacle grand public et propos plus profonds sur la nature du pouvoir et de la différence. Sans jamais tomber dans le didactisme, il propose une réflexion pertinente sur la façon dont la société traite ceux qui sortent du moule.
“Wicked” réussit le pari difficile de satisfaire les fans de la première heure tout en séduisant un nouveau public. Malgré ses imperfections, ce premier volet pose les bases d’une saga prometteuse qui réinvente avec brio l’univers du Magicien d’Oz pour une nouvelle génération. Le film prouve que la magie du cinéma musical est toujours vivace, capable de nous faire rêver tout en nous faisant réfléchir.