À la fin des années 1860, l’État de Victoria en Australie inaugura le Mayday Hills Lunatic Asylum, plus tard rebaptisé Asile de Beechworth. Cette institution, qui accueillit jusqu’à 1 200 patients, incarne la face sombre de la psychiatrie du XIXe siècle.
Un système pervers
L’admission ne requérait que deux signatures de proches, mais la sortie nécessitait huit certificats médicaux. Cette asymétrie bureaucratique condamna de nombreuses personnes saines d’esprit à l’enfermement perpétuel. Le premier directeur lui-même manifestait des signes d’excentricité, convaincu que la lune provoquait la folie et refusant de sortir la nuit sans parapluie.
Traitement ou torture ?
Avant les années 1950, en l’absence de médicaments psychiatriques, l’établissement recourait massivement aux chaînes et camisoles de force. L’aile Grevillia, redoutée de tous, abritait l’unité d’électrochocs. Les séances collectives étaient fréquentes, les décharges si violentes qu’elles brisaient os, ligaments et dents des patients.
Le laboratoire médical, équipé pour les opérations et autopsies, conservait dans des bocaux les organes de patients décédés, vestiges macabres d’expérimentations douteuses, jusqu’à leur destruction dans un incendie.
Les morts de Beechworth
Entre 3 000 et 9 000 patients auraient perdu la vie dans l’asile. Certains décès furent particulièrement troublants, comme celui d’une patiente juive, précipitée d’une fenêtre lors d’une dispute pour des cigarettes. Son corps resta exposé deux jours durant, dans l’attente d’un rabbin venu de Melbourne. Son fantôme hante désormais les lieux de sa chute et la fenêtre où elle aimait fumer.
Un autre cas notable fut celui d’un patient en fuite, retrouvé mort dans un arbre près de l’entrée, son corps en décomposition découvert après qu’un chien eut rapporté l’un de ses membres. Son spectre rôde toujours près du portail, comme prisonnier à jamais.
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Une seconde vie hantée
Fermé en 1995, Beechworth abrite aujourd’hui une université, un hôtel et accueille des visites guidées. Les phénomènes inexpliqués s’y multiplient :
- L’apparition de Matron Sharpe, une ancienne infirmière compatissante, réconfortant encore les visiteurs dans l’aile Grevillia
- Une jeune fille désespérée tentant de communiquer avec les vivants dans l’ancienne salle de récréation
- Un vieil homme contemplant l’horizon depuis la tour du beffroi
- Des rires d’enfants résonnant dans les couloirs, bien que l’asile n’ait jamais accueilli de mineurs
- Un médecin à l’air sévère, suivi de deux figures rieuses, accompagnant les groupes de visiteurs
L’Héritage de la Folie
Les “Murs Ha-Ha”, tranchées profondes censées empêcher les évasions, symbolisent l’ironie cruelle du système asilaire : une prison déguisée en lieu de soins. Beechworth témoigne des dérives de la psychiatrie institutionnelle et de la façon dont la société traitait ses membres jugés “déviants”.
Aujourd’hui, la visite guidée de Beechworth est la plus populaire d’Australie continentale. Les clients de l’hôtel rapportent régulièrement des bruits de pas dans les couloirs vides et des tapotements aux fenêtres, comme si les anciens résidents refusaient de quitter les lieux où ils furent enfermés contre leur gré.