Au cœur de Hong Kong, ville symbole de modernité, se dresse une anomalie architecturale : un imposant bâtiment victorien de neuf étages qui détonne dans le paysage urbain. L’Ancien Hôpital Psychiatrique, comme on l’appelle aujourd’hui, cache derrière sa façade austère une histoire aussi sombre que troublante.
Les métamorphoses d’un lieu maudit
Construit en 1892 dans le quartier de Sai Ying Pun, l’édifice était initialement destiné à héberger le personnel infirmier européen de l’hôpital civil voisin. Mais la Seconde Guerre mondiale allait brutalement transformer sa vocation. Sous l’occupation japonaise, selon la légende urbaine, le bâtiment devint un centre de détention et d’exécution. Les murs qui devaient abriter la guérison devinrent témoins de tortures et d’interrogatoires sanglants. On raconte que de nombreuses têtes roulèrent sur ces sols, vestiges d’une époque où la cruauté avait remplacé la compassion.
L’Unique asile de Hong Kong
En 1947, le bâtiment connut une nouvelle incarnation en devenant le seul hôpital psychiatrique d’une ville qui comptait alors un demi-million d’habitants. Cette insuffisance criante des soins en santé mentale marqua profondément l’histoire de l’établissement. De 1961 à 1971, il fut réduit à un centre de traitement de jour pour patients psychiatriques externes, avant que deux incendies dévastateurs, attribués à des intrus, ne le rendent inhabitable.
Vingt Ans de Ténèbres
Pendant deux décennies, le bâtiment resta abandonné, attirant toxicomanes et adolescents en quête de sensations fortes. Son architecture historique et ses couloirs obscurs devinrent le théâtre de phénomènes inexpliqués, comme si les horreurs de la guerre refusaient de sombrer dans l’oubli. Les habitants le surnommèrent “La Maison Hantée de High Street”, un nom qui s’avéra prophétique.
Des apparitions sans équivoque
Contrairement aux récits habituels de maisons hantées, peuplés de murmures et d’ombres fugaces, les manifestations de l’Ancien Hôpital Psychiatrique se distinguaient par leur netteté terrifiante. Un homme mystérieux, vêtu de vêtements traditionnels chinois, apparaissait fréquemment au deuxième étage. Son apparence démoniaque glaçait le sang des témoins, mais c’est sa capacité à s’embraser spontanément qui marquait définitivement les esprits. Plus terrifiant encore, des spectres sans tête parcouraient les couloirs la nuit, possible écho des exécutions de l’occupation japonaise.
Une renaissance incomplète
En 2001, face à la multiplication des intrusions et des récits paranormaux qui ternissaient la réputation du quartier, le bâtiment fut transformé en complexe communautaire Sai Ying. Seule la façade victorienne témoigne encore de son passé trouble. Pourtant, selon Haider Kikabhoy, co-fondateur de Walk In Hong Kong, les automobilistes continuent d’entendre des voix spectrales et des cris glaçants en passant devant l’édifice.
Classé aujourd’hui monument historique de Grade Un par Hong Kong, l’Ancien Hôpital Psychiatrique reste prisonnier de son histoire. L’éclairage sinistre qui joue sur ses arches de pierre et ses vérandas désertes semble toujours abriter les échos des drames qui s’y sont joués. La rénovation du bâtiment n’a pas suffi à apaiser les esprits tourmentés qui y résident, comme si les pierres elles-mêmes refusaient d’oublier les atrocités dont elles furent témoins.
Dans une ville qui incarne la course effrénée vers le futur, l’Ancien Hôpital Psychiatrique reste une anomalie temporelle, un portail vers les heures sombres de l’histoire de Hong Kong. Sa préservation rappelle que certains lieux, malgré les transformations et le passage du temps, restent à jamais marqués par leur passé.