Dans un monde de plus en plus dominé par la technologie et la production de masse, la designer Luam Melake se démarque par sa création de meubles colorés, tactiles et profondément axés sur l’interaction humaine et la connexion émotionnelle. Son travail, à la fois ludique et intellectuel, remet en question notre rapport aux objets et à l’espace qui nous entoure.
Une approche multidisciplinaire
Originaire de San Diego, Melake a grandi dans un environnement où l’impact de l’aménagement sur la vie quotidienne était une préoccupation centrale. Fille d’un planificateur de parcs et d’une ingénieure civile, elle a développé très tôt une sensibilité à la relation entre l’environnement physique et le bien-être humain. Après des études d’architecture à UC Berkeley, Melake s’est tournée vers le design de mobilier, trouvant dans cette discipline un équilibre parfait entre création artistique et fonctionnalité.
Des meubles qui surprennent et interrogent
Les créations de Melake se caractérisent par leur apparence structurée et leurs couleurs vives, rappelant des jouets pour enfants. Cependant, leur texture souple et malléable surprend au toucher, invitant à l’exploration et à l’interaction. Cette dualité entre apparence et réalité est au cœur de la démarche de Melake, qui cherche à susciter la curiosité et à remettre en question nos perceptions.
Un exemple emblématique de son travail est le “Love Seat in Two Parts”, un canapé modulable inspiré des études sur la proxémique. Cette pièce, exposée à la galerie R & Company à New York, peut être assemblée en un seul meuble ou séparée en deux fauteuils, offrant diverses possibilités d’interaction et de positionnement. Sa surface, recouverte d’une peau en uréthane souple et décorée de paillettes et de boutons, ajoute une dimension ludique à l’objet.
Au-delà de l’esthétique : une réflexion sur la société
Le travail de Melake va bien au-delà de simples considérations esthétiques. Ses créations sont le fruit d’une réflexion approfondie sur les effets aliénants de la technologie et les barrières que le capitalisme impose à l’innovation en design. Elle s’inspire notamment de la période d’après-guerre, où le gouvernement américain encourageait l’innovation technologique au service du design et de la classe moyenne.
Melake critique la tendance actuelle à la production de masse qui, selon elle, étouffe la créativité et l’innovation. Elle cite Donald Judd, qui déplorait la difficulté de trouver une bonne lampe dans un marché dominé par la production de masse. Pour Melake, si le design ne change pas, comment nos politiques peuvent-elles évoluer ?
Reconnexion humaine à l’ère numérique
Au cœur du travail de Melake se trouve un désir profond de favoriser la connexion humaine, en réaction directe à l’ère technologique. Ses meubles, avec leurs couleurs vives, leur tactilité ludique et leur exécution parfois irrégulière, résistent à l’esthétique lisse et froide de l’ère numérique.
Des pièces comme la “Listening Chair” (2022), en forme de skyline cartoonesque, ou la “Supportive Chair” (2021), inspirée par l’épuisement maternel, sont conçues pour encourager des postures et des interactions spécifiques. Elles visent à activer des réponses physiologiques et émotionnelles, comme la relaxation du système nerveux parasympathique.
Une vision d’avenir
Bien que ses créations actuelles soient principalement des pièces uniques ou en édition limitée, Melake n’exclut pas la possibilité de collaborer avec l’industrie pour rendre ses designs accessibles à un public plus large. Elle reste fidèle à sa vision d’un design qui privilégie l’empathie et la liberté, tout en cherchant des moyens de contrer les effets négatifs de la technologie sur notre attention et nos relations interpersonnelles.
En créant des objets qui existent de manière viscérale dans le monde réel, Melake nous invite à repenser notre relation avec notre environnement et les autres. Son travail nous rappelle que le design peut être un puissant outil pour favoriser la connexion humaine et stimuler notre imagination, même à l’ère numérique.
